Logo science-presse ateliers et formations

Blogue

Un scientifique l’a dit, ça doit être vrai!

Un scientifique l’a dit, ça doit être vrai!

Par Pascal Lapointe | Rédacteur en chef de Science-Presse

Comme on l’a déjà écrit dans des billets précédents, toutes les études ne sont pas égales. Et il existe une telle chose qu’un consensus scientifique, même quand on peut trouver des scientifiques qui prétendent le contraire. Par conséquent, comment peut-on mesurer la « valeur » d’un scientifique, si on n’a pas soi-même étudié en science?

La réponse, comme on le rappelait dans le texte sur le consensus, est à la fois simple et compliquée : 

Un scientifique et un expert, ce n’est pas la même chose

À l’évidence, ce qu’on appelle « la science » s’est tellement diversifié au cours des derniers siècles que personne ne peut être un expert en tout. Le physicien des particules peut être très ignorant de la biologie végétale, et vice-versa. 

Et très souvent, c’est la première chose qui saute aux yeux, par exemple, lorsqu’on entend parler de « scientifiques qui nient le réchauffement climatique » : ce sont des médecins, ou des ingénieurs, ou des géologues, mais ils ne sont jamais spécialistes du climat, ou de la météo, ou de l’atmosphère, ou des glaces, ou des courants océaniques, etc. 

On peut rapidement détecter les discordances de deux façons : 

En observant comment l’intervenant a été présenté : tout texte de vulgarisation, reportage ou vidéo, doit normalement présenter un scientifique par son nom et son titre professionnel. Par exemple, « Jean Tremblay, professeur au département de géologie de l’Université XYZ ». Si l’auteur s’est contenté de dire « le scientifique Jean Tremblay », méfiez-vous.

En faisant une simple recherche : au mieux, leur nom sera immédiatement associé à des études qu’ils ont réalisé dans leur domaine, au pire, on découvrira tout de suite qu’ils sont des intervenants réguliers des plateformes climatosceptiques, antivaccins ou autres. 

Le véritable expert se repère donc par sa spécialisation et ses recherches publiées et validées sur un sujet. 

Pas toujours possible de trancher

Mais si la chose est facile à détecter lorsqu’on est devant un scientifique qui nie l’efficacité des vaccins, le réchauffement climatique ou la théorie de l’évolution (oui, ça arrive!), ça se complique lorsque le sujet est plus difficile à trancher. 

Prenons l’exemple de l’alcool. Après la parution, en août 2022, du rapport sur les risques de l’alcool par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, plusieurs experts ont semblé se contredire : prendre un seul verre d’alcool comporte-t-il, ou pas, des risques pour la santé? 

Certains des scientifiques qui se prononçaient étaient bel et bien des experts du domaine. Mais même dans de tels cas, comme ce texte du Détecteur de rumeurs le rappelait, tous n’analysaient pas les mêmes données, tous ne parlaient pas du même risque, et surtout, deux experts pouvaient très bien analyser le risque différemment. 

C’est un phénomène courant en médecine, quand on cherche à analyser le risque. Deux médecins américains ont proposé les concepts de « maximaliste » et de « minimaliste » : les médecins dits maximalistes ne veulent pas perdre une occasion d’agir et vont utiliser tous les traitements possibles. Alors que les médecins minimalistes cherchent à éviter les traitements non nécessaires et leurs effets secondaires. 

Deux experts qui semblent se contredire peuvent ainsi avoir raison tous les deux, tout dépendant de la question qui leur est posée (par exemple, « l’alcool est bon pour le cœur » et « l’alcool augmente le risque de cancer » ne sont pas des affirmations contradictoires).

Certes, avant toute chose, on doit établir clairement la distinction entre ces experts et les autres scientifiques (le spécialiste des dépendances contre le physicien, par exemple). Mais il peut parfois être difficile de trancher.

Cette démarche sera moins satisfaisante que celle consistant à prendre fermement position. Mais celle-ci s’inscrit dans la même logique que face au réchauffement climatique : parfois, en science, il existe un consensus qui permet aux experts en climatologie de trancher. Parfois, comme avec l’alcool, la communauté scientifique n’est pas encore rendue là.
 

Pour aller plus loin, ces deux textes du Détecteur de rumeurs

Une lettre d’opinion, ça fait le poids en science? Non, octobre 2019

Alcool: 4 raisons pour lesquelles des scientifiques se contredisent, mars 2023

Et aussi

Jerome Groopman et Pamela Hartzband, When Experts Disagree: The Art of Medical Decision Making

 


 

Vous aimez nos billets? Abonnez-vous à notre infolettre sur la désinformation qui vous propose des outils et des ressources pour mieux vous informer lorsqu'il est question de science.

***

On vous parle plus en détail des experts scientifiques dans notre cours en ligne gratuit « Décoder l’info scientifique ».

Inscrivez-vous dès maintenant pour en savoir plus et suivez les ateliers à votre rythme!

Vous voulez identifier les sources fiables, évaluer la crédibilité d’un expert ou repérer les limites d’une étude scientifique, et ce même si vous n’avez pas étudié en science? Notre nouvelle formation gratuite en ligne vous permettra de mieux comprendre les particularités de l’information scientifique, repérer les pièges de la pseudoscience et maîtriser les étapes de vérification d’une information qui traite, par exemple, de santé, d’alimentation ou encore des changements climatiques.

En savoir plus

 


Image : Nomadsoul1| DepositPhotos.com

Retour à la liste des nouvelles

Notre livre électronique gratuit

Décoder l'info scientifique :
à la portée de tous!

Évaluer la validité de l'information scientifique est une compétence essentielle dans un monde où les nouvelles, mais aussi la désinformation, voyagent plus rapidement que jamais. Ce livre électronique met en lumière l'importance de développer une meilleure compréhension du langage scientifique, et ce même pour ceux qui n’ont pas étudié en science.

Télécharger le livre électronique

 

Abonnez-vous à notre infolettre

sur la désinformation

Tout sur nos ateliers et formations ainsi que des outils et des ressources pour mieux vous informer!

Je m’abonne