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Une agence scientifique gouvernementale est-elle une source fiable?

Une agence scientifique gouvernementale est-elle une source fiable?

Par Pascal Lapointe

Le 19 novembre 2025, une page web du Centre américain de contrôle des maladies (CDC), une agence du gouvernement fédéral, était modifiée pour inclure la phrase « laffirmation "les vaccins ne causent pas lautismenest pas basée sur des preuves ». Le tollé de protestations que cela a provoqué pose, pour quiconque vulgarise la science ou partage de l’info scientifique, une question inédite : cette agence gouvernementale, vieille de près de 80 ans, est-elle encore une source d’info fiable?

Est-ce que c’est paru?

Qu’est-ce qu’une source fiable, en science? Comme nous le soulignons dans le module 2 de notre cours en ligne gratuit « Décoder l'info scientifique », la toute première question que doit se poser n’importe quel journaliste —ou n’importe quel citoyen— qui est confronté à une affirmation en science, c’est : est-ce que c’est paru quelque part? « Ce youtubeur prétend que le céleri guérit le cancer? Très bien, a-t-il publié une étude, ou bien s’appuie-t-il sur des études publiées quelque part? »

En effet, en science, toutes les opinions n’ont pas une valeur égale. Quelqu’un peut bien affirmer tout ce qu’il veut sur le pouvoir curatif des céleris, ou sur une machine à mouvement perpétuel, ou sur un vaisseau extraterrestre stationné dans sa cour, ça n’en demeurera pas moins des opinions tant que ça n’aura pas été publié. Parce qu’une fois que c’est publié, des experts du cancer, ou bien des ingénieurs, pourront lire l’étude, analyser ses données à la loupe, la commenter et, le cas échéant, dire s’il vaut la peine d’investiguer davantage —voire, pourquoi pas, faire eux-mêmes une deuxième recherche. 

En science, c’est là le strict minimum pour distinguer une opinion d’un fait.

Mais bien sûr, ça n’est pas la fin de tout : encore faut-il se demander où l’étude est-elle parue et de quel type d’étude s’agit-il

La consternation dans la communauté scientifique face aux modifications du site du CDC le 19 novembre oblige donc à examiner plus attentivement la question « Où l’étude est-elle parue ». Car enfin, le CDC en publie, des études. Seront-elles désormais à jeter aux poubelles?

Où est-ce paru?

Certaines revues scientifiques ont un processus de révision par les pairs, ce qui suppose que les études qu’elles publient sont déjà passées par un premier tamis. En comparaison, il existe des sites, dits de « prépublication », où les études n’ont pas été révisées par qui que ce soit avant d’être publiées : on devrait donc éviter de les partager sur les réseaux sociaux chaque fois qu'on peutt s'en passer. Enfin, il existe des revues dites prédatrices, qui publient tout ce qu’on leur envoie, moyennant paiement. Ces dernières n'ont pour ainsi dire aucune crédibilité.

Concrètement, si on apprend que notre expert en céleris a publié son étude dans l’International Journal of Green Vegetable, et qu’on n’a aucune idée de ce qu’est cette revue, il faut au minimum effectuer une recherche Google pour voir si un drapeau rouge a déjà été soulevé à son sujet. 

De quel type d’étude s’agit-il? 

Et encore, ce n’est souvent qu’une première étape puisque, comme l’explique la pyramide des preuves dans le module 3 de notre cours, on peut détecter quelques indices de base sur le poids de l’étude sans avoir soi-même étudié le cancer ou la botanique. Il suffit de prendre une minute pour regarder le résumé de l’étude, ou abstract : a-t-on testé les céleris sur des souris ou sur des humains, par exemple? A-t-on suivi 15 personnes ou 1500 personnes?

Et les agences, dans tout ça?

Mais qu’en est-il d’une étude publiée sur le site d’une agence gouvernementale, donc qui a été réalisée par les scientifiques à l’emploi de cette agence, par exemple, l’Institut national de santé publique du Québec, le Service canadien des glaces ou le CDC? À l’évidence, un document publié chez eux peut s’appuyer sur un gros échantillon ou correspondre à la définition d’une « méta-analyse », soit une synthèse de plusieurs études. 

Certes, ces agences n’ont pas d’indicateurs permettant de comparer leurs poids respectifs dans la littérature scientifique, au contraire de ce qu’on retrouve dans l’écosystème des revues, et qui permet de dire que Nature a un meilleur « facteur d’impact » que l’International Journal of Green Vegetable.  

Mais est-ce si important? Depuis des décennies, ces agences gouvernementales jouissent d’une excellente réputation parce qu’elles sont apolitiques. Cela veut dire qu’un rapport n’est pas commandé par un parti politique, mais vise à répondre à un questionnement social, économique ou sanitaire qui transcende les élections. Et même lorsqu’une commande peut sembler suspecte —pensons à un rapport d’un ministère québécois qui évaluerait la légitimité d’un troisième lien à Québec— il reste toujours, pour les journalistes, la bonne vieille méthode de trouver des experts du domaine, qui n’ont pas participé à l’étude, et qui peuvent rapidement détecter les failles, si failles il y a. 

Quelle est la source, chercher une autre source

Il n’y a pas de révision par les pairs dans un rapport d’agence gouvernementale. Mais il s’en fait une, de façon informelle : imaginons que, demain matin, une agence québécoise publie une étude incroyablement biaisée sur les risques des changements climatiques, qui minimiserait systématiquement les risques d’inondations sans fournir de justificatif. Ça ne passerait pas inaperçu : tous les climatologues du Québec protesteraient, et la réputation même de l’agence en serait ternie. Quant aux journalistes ou à quiconque voudrait partager ce rapport sur les réseaux sociaux, il n’aurait pas de mal à dénicher ces critiques.

Or, c’est exactement ce qui se passe désormais avec le CDC : une réputation ternie. Et il n’a même pas été nécessaire pour cela qu’il publie une étude sur les vaccins, il lui a suffi d’un changement sur une de ses pages web, changement qui a suggéré un lien entre vaccination et autisme, à l’encontre de quatre décennies de données sur le sujet. En 48 heures, des médias allant du magazine médical STAT jusqu’au New York Times, en passant par la presse étrangère, ont fait entendre toutes sortes de gens outrés, des pédiatres jusqu’aux associations de parents d’autistes. Résultat : même quelqu’un à qui cette controverse aurait échappé, pourrait taper dans Google les mots CDC, « vaccine » et « autism  » et trouver des tas de références soulevant autant de drapeaux rouges.

Ce que je viens de décrire là n’est pas seulement une combinaison des questions « une étude est-elle parue » et « où est-elle parue ». C’est aussi une combinaison de deux réflexes encore plus élémentaires, qui ne s’appliquent pas seulement aux informations scientifiques, et qui ne nécessitent pas d’études en vaccinologie : deux réflexes de base qui s’appellent « vérifier la source » et « chercher une autre source ». Avant 2025, si vous ne saviez pas ce qu’était le CDC, ou si vous ignoriez si un texte publié sur le site du CDC était une source fiable, une recherche Google rapide aurait pu vous rassurer. Désormais, ce n’est plus aussi sûr. Vaudrait mieux aller chercher une autre source.  

Image : postmodernstudio | DepositPhotos.com

 


 

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On vous parle plus en détail de la distinction entre faits et opinions dans le module 2 de notre cours en ligne gratuit « Décoder l'info scientifique », et on vous parle plus en détails de la valeur des différents types d’études dans le module 3

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