
Par Pascal Lapointe | Rédacteur en chef de Science-Presse
Comme le dit la vieille blague, « un humain n’est pas une souris de 70 kilos ». C’est la première raison pour laquelle une étude sur un médicament arrivant à des résultats « encourageants » sur des souris n’y arrivera pas nécessairement sur un humain. Mais faut-il aller jusqu’à éviter de parler des études sur des souris? Dans le cours Décoder l’info scientifique, c’est ce que nous recommandons. Voici quatre bonnes raisons.
Seul un petit pourcentage aboutit
Tout dépendant de ce qu’on calcule, de 90% à 94% des recherches « précliniques » (soit celles qui sont menées sur des animaux ou sur des cellules en éprouvette) échouent lorsqu’elles arrivent au stade « clinique » (sur des humains).
En un sens, c’est normal : dans tous les laboratoires et dans toutes les universités du monde, des tas de molécules sont testées dans l’espoir de leur trouver quelque chose « d’encourageant ». Lorsque c’est le cas, ça permet de débloquer un budget pour une étude plus poussée. Mais ce n’est pas souvent le cas. Au point où, selon une étude publiée en 2012, le coût de production d’un médicament doublait avec chaque décennie : chaque médicament qui finit par aboutir sur le marché est passé, pendant des années, par quantité d’essais et d’échecs.
En même temps, on peut s’en réjouir, parce que c’est ce mécanisme qui permet de garder des substances inefficaces loin des tablettes des pharmacies…
Facile de monter en épingle
Étant donné que tout le monde aimerait se faire dire qu’il y a un traitement à l’horizon contre le cancer ou l’Alzheimer, la tentation est grande, pour l’auteur d’une recherche, d’employer les mots « résultats encourageants ». L’erreur la plus grave que puisse commettre un professionnel de l’information —ou un hyperactif des réseaux sociaux— est de rapporter ces résultats sans préciser, dès le premier paragraphe, qu’ils n’ont été faits que sur des souris.
Un texte du Détecteur de rumeurs rapportait par exemple en 2021 qu’une demi-douzaine d’articles dans des médias québécois et canadiens venaient de présenter, à deux reprises, un médicament qui, testé en Alberta, serait à même de « révolutionner » le traitement du cancer. Un seul article mentionnait dès le titre que le médicament n’avait été testé que sur des souris, un autre avait attendu au 11e paragraphe. Or, on sait qu’une grande proportion des lecteurs ne lisent que le titre ou le premier paragraphe d’un texte.
Et attention, ce ne sont pas seulement les journalistes qui sont fautifs. Le communicateur qui est au service d’une université ou d’une compagnie peut être lui aussi tenté de mettre un peu trop l’emphase sur les superlatifs.
Le vocabulaire peut être trompeur
Quand le problème émane du scientifique lui-même, ce n’est pas toujours parce qu’il a voulu exagérer. Ça peut être parce qu’il utilise un vocabulaire trompeur. Par exemple, les biologistes qui étudient l’anxiété chez des rongeurs savent bien qu’on ne peut jamais être certain qu’un comportement signifie que l'animal est devenu plus anxieux ou moins anxieux qu’avant. Ils emploient donc des détours tels que « comportements similaires à l’anxiété », mais ils seront les premiers à abréger la phrase dans leurs communications… avec pour résultat qu’un profane peut avoir l’illusion d’une certitude qui n’existe pas.
Il y a mieux qui se publie
Il y a des milliers d’études scientifiques importantes, intrigantes ou fascinantes, qui se publient chaque mois et dont on ne parle pas dans les médias, faute de temps, d’espace ou de ressources humaines. On n’a donc pas grand-chose à perdre à éviter celles sur les souris. SI c’est vraiment « encourageant », on le saura bien assez tôt.
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